Mica éthique : polémique dans la cosmétique

Connaissez-vous le mica ? Peut-être pas, et pourtant vous en avez certainement déjà vu. C’est un minerai que l’on utilise beaucoup en cosmétique, entre autres. C’est lui qui donne du brillant à votre fard à paupières, du peps à votre rouge à lèvres, de la couvrance à votre fond de teint, une couleur flashy à votre savon. Pourtant, derrière les pigments chatoyants du mica se cache le plus souvent une bien sombre réalité. Nous essaierons dans cet article d’en savoir un peu plus sur ce produit étonnant. Nous verrons que le problème majeur est la façon dont il est exploité. Alors, un mica éthique est-il possible ? Ou les adeptes de la cosmétique éthique doivent-ils renoncer à la brillance ?

Mica bleu

Le mica c’est quoi ?

Un minerai aux propriétés incroyables

Le mica est un minerai naturel. Ce constituant du granite est extrait de mines, puis utilisé dans diverses industries comme la sidérurgie, la peinture, l’automobile ou la cosmétique. Ses diverses propriétés en font un produit très demandé. Il est isolant, il résiste aux températures élevées, il est couvrant… Et surtout, ses caractéristiques esthétiques en font un incontournable du secteur des cosmétiques.

Le chouchou des cosmétiques

Nous l’avons vu dans l’introduction, le mica apporte de la brillance, mais aussi de l’opacité ou des reflets nacrés à la plupart des produits cosmétiques. On le retrouve dans le maquillage, mais aussi dans les savons, dans les shampooings, dans le dentifrice. Il donne un effet pailleté aux produits pigmentés. Bref, c’est la touche glam de votre salle de bains. Et c’est pour cela que l’industrie cosmétique achète 18 % de la production mondiale de mica.

Un produit naturel

Le mica est un produit naturel. Il provient des mines, il est non-toxique, et son exploitation n’a même pas un gros impact environnemental. Les marques vegan peuvent l’utiliser tant qu’elles veulent, on n’y trouve pas le moindre produit animal. Mais alors c’est parfait ! Malheureusement non. Il existe un problème de taille, sur lequel les marques ont longtemps fermé les yeux : la façon dont il est exploité. Quittons un instant les paillettes et découvrez la vérité sur l’exploitation du mica

Cosmétiques éthiques : le problème avec le mica

Deux études pour ouvrir les yeux

L’ONG Terre des Hommes Pays-Bas a réalisé en collaboration avec l’association SOMO, deux enquêtes en 2016 puis en 2018, sur la façon dont le mica est exploité. Et leurs conclusions sont sans appel. La première enquête dénonce le travail des enfants dans les mines indiennes, dans des conditions particulièrement dangereuses. La deuxième enquête se concentre sur Madagascar où le constat est tout aussi terrible concernant le travail infantile.

Une chaîne d’approvisionnement opaque

Cela semble invraisemblable, n’est-ce pas ? Comment des marques de cosmétiques, peuvent-elles tolérer de telles pratiques ? Tout d’abord, il y a une grande méconnaissance de ce sujet. Ce n’est qu’en 2009 que l’on a découvert (en Europe…) le travail des enfants dans l’exploitation des mines de micas. Et ce n’est qu’avec les recherches de Terre des Hommes que la conscience des acteurs s’est réveillée. Si le problème aujourd’hui n’est toujours pas réglé, c’est que les chaînes d’approvisionnement du mica sont particulièrement peu traçables. De la mine à la marque, les intermédiaires sont nombreux, et le fabricant ignore le plus souvent d’où provient son mica, et dans quelle mesure il a été produit proprement ou pas. Les zones d’exploitation sont peu sûres, la plupart des mines sont illégales, le système n’a rien de transparent. 

Le scandale du travail des enfants

D’après Terre des Hommes, plus de 20.000 enfants en Inde et plus de 10.000 enfants à Madagascar, travailleraient dans des mines de mica. Ils se faufilent dans les mines pour en extraire le minerai, et aident ensuite les adultes à trier les piles de roches pour en extirper le précieux matériau. Certains n’ont que trois ou quatre ans. Cette pratique est inacceptable, car le travail des enfants est interdit, évidemment, parce que ces enfants sont à la mine plutôt qu’à l’école, et parce qu’en plus, ils exercent une activité dangereuse pour leur santé et leur sécurité, sans les moindres équipements de protection. Sans parler de leur rémunération dérisoire. 

Mica éthique : quelles sont les solutions ?

Relax ! (désolée, il fallait la faire…) Des solutions existent pour un mica éthique. On peut en effet continuer à briller de mille feux sans contribuer à la pauvreté dans le monde. Voici les options qui s’offrent à vous.

Le mica synthétique

Pour résoudre le problème de la provenance et des conditions d’extraction du mica naturel, certaines marques ont commencé en 2018 à utiliser du mica synthétique. Il leur semblait (avec raison !) trop difficile de contrôler la chaîne d’approvisionnement. Bien que synthétique, ce mica est produit en laboratoire à partir de minéraux naturels. Sa qualité est telle que le consommateur ne peut pas faire la différence entre un savon ou un cosmétique contenant du mica naturel ou synthétique. Est-ce pour autant une bonne solution ? Il faut savoir que les populations vivant à proximité des mines de mica sont totalement dépendantes économiquement de leur exploitation. En abandonnant le mica naturel, les marques qui ont contribué à créer cette dépendance ne risquent-elles pas de fragiliser encore plus ces populations ?

Le mica européen ou américain

On en parle peu, mais il existe des mines de mica dans bien d’autres zones du monde. Sur tous les continents, des pays produisent du mica. On peut citer par exemple la Finlande, les États-Unis ou le Canada. Dans ces pays, on est sûr que les droits des enfants sont respectés, et il y est bien plus facile de contrôler les chaînes d’approvisionnement. Les entreprises de cosmétiques qui le souhaitent, et qui sont prêtes à en payer le prix, ont donc une alternative. Cette option est une bonne solution dans la mesure où elle vous propose un produit totalement naturel, extrait dans des conditions respectueuses

Le contrôle des filières

En 2016, suite à la prise de conscience des consommateurs, un organisme voit le jour : la RMI (Responsible Mica Initiative).  Cette organisation a pour but de créer en Inde un approvisionnement de mica juste, durable et responsable. L’objectif est d’y éradiquer le travail des enfants d’ici 2022, en s’appuyant sur trois piliers :
  • Garantir que chaque maillon de la chaîne d’approvisionnement de mica assure à ses employés un environnement de travail sûr et éthique, bannissant le travail des enfants. 
  • Pourvoir en ressources (éducation, santé…) les villages dont est issue la main d’œuvre des mines de mica, afin de réduire leur dépendance à l’exploitation du mica. 
  • Encourager la création de lois et réglementations pour mieux encadrer et contrôler cette industrie.

De nombreuses marques sont déjà membres de cet organisme à but non-lucratif, permettant ainsi de faire vivre l’économie du mica sans en sacrifier les acteurs principaux. Pourtant, il n’est pas encore prouvé que les chaînes d’approvisionnement des marques membres de la RMI soient totalement clean, tant il est difficile de connaître la réalité du terrain. 

Avouez que vous regarderez différemment votre gloss ou votre savonnette. Pour continuer à vous adonner à la coquetterie en toute bonne conscience, soyez attentif à la provenance des produits que vous achetez, questionnez les marques, et évitez à tout prix le mica naturel provenant d’Inde ou de Madagascar, si la marque n’est pas membre de la RMI. Bref, le mica c’est chic, mais qu’il soit synthétique ou qu’il vienne d’Amérique, choisissez-le éthique !

Cet article a été rédigé par VF-Rédaction.