La réglementation d’une savonnerie artisanale : des contraintes qui rassurent
S’il fallait dessiner l’image d’Épinal d’une savonnerie artisanale, on décrirait un petit atelier rustique au milieu des oliviers, où l’on fabrique de façon rudimentaire un savon maison. Bien que cela puisse parfois s’en rapprocher, cette réalité n’est pas celle que rencontre l’entrepreneur qui monte son projet de savonnerie artisanale ! La réglementation d’une savonnerie artisanale impose en effet de mettre en œuvre certaines normes, parfois très contraignantes et coûteuses. C’est pourtant à ce prix qu’on acquiert la confiance du consommateur !
La réglementation d’une savonnerie artisanale : les mêmes exigences que dans l’industrie
Le règlement européen et le guide des bonnes pratiques de fabrication
Les principales dispositions applicables en matière de savonnerie sont celles du règlement (CE) n°1223/2009 du 30 novembre 2009.
Ce dernier a été complété par la norme ISO 22716 relative au guide des bonnes pratiques de fabrication (BPF).
Le principal objectif de ces dispositions est de donner au consommateur la garantie que le produit répond à un standard de qualité.
C’est également l’assurance qu’il ne présente aucun danger pour la santé. Ces obligations génèrent toutefois des coûts qui doivent être pris en compte dans le business plan de la savonnerie.
Que la fabrication soit industrielle ou artisanale, le même socle de règles s’applique. Il n’est pas dans notre propos de les exposer en détail (le guide des BPF en savonnerie flirte à lui seul avec les 300 pages !) mais en voici les grandes lignes.
Ouvrir une savonnerie nécessite en premier lieu une déclaration officielle auprès de l’ANSM (Agence Nationale de sécurité du médicament et des produits de santé). Dans cette déclaration, on désigne notamment un responsable qualifié qui garantit, pour chaque produit mis sur le marché, la conformité au règlement. Il sera l’interlocuteur des autorités en cas de contrôle.
Les produits doivent aussi être enregistrés sur le portail européen Cosmetic Product Notification Portal (CPNP). Cela permet à ces mêmes autorités d’y avoir rapidement accès.
Les 5 types d’obligations qui s’imposent au producteur de cosmétique (guide des BPF)
Le guide des BPF est un document qui traite de l’ensemble du processus de fabrication.
- La main d’œuvre : l’entreprise doit assurer la formation de ses salariés, leur fournir des vêtements de travail, veiller aux conditions d’hygiène. Ces dernières sont particulièrement exigeantes. Elles imposent par exemple que toutes les personnes présentes dans la zone de production (le « laboratoire ») portent la tenue réglementaire (charlotte, sur-chaussures, blouse…).
- Les matières : des contrôles relatifs aux matières premières doivent être réalisés à chaque étape de la chaîne (réception, stockage, fabrication, n° de lot).
- Le milieu et les locaux : l’entreprise doit s’assurer de la qualité et de la sécurité de l’aire de travail, la protection contre les parasites.
- La méthode : l’entreprise doit formaliser ses procédures au moyen de fiches de fabrication et doit garantir la traçabilité du processus de fabrication, conduire des contrôles réguliers et planifiés, garantir des règles de stockage adéquat.
- Les équipements de la savonnerie : le nettoyage doit être planifié, les instruments de mesure doivent être vérifiés. Les contenants ne doivent pas affecter la qualité des produits fabriqués.
Par ailleurs, le respect des règles d’étiquetage garantit au consommateur :
- la composition des savons ;
- les précautions d’emploi s’il y en a ;
- l’identification de la personne responsable juridiquement du produit.
Le dossier d’information produit
L’entreprise doit constituer un dossier d’information produit (DIP) pour chaque formule employée. Ce dossier doit être conservé pendant 10 ans à compter de la mise sur le marché du dernier lot. Chaque formule doit être validée par un évaluateur de la sécurité compétent en pharmacie et en toxicologie. Cela garantit que le produit ne présente aucun risque pour la santé humaine.
Les DIP de la savonnerie regroupent aussi les fiches de sécurité des fournisseurs, ce qui assure la traçabilité des ingrédients..
Plus précisément, le DIP cosmétique comporte deux parties. La première partie du dossier traite des informations sur la sécurité du produit. On y trouve notamment :
- la formule quantitative et qualitative du produit ;
- ses caractéristiques physiques et chimiques ;
- les informations concernant le matériau d’emballage ;
- le profil toxicologique des substances.
La seconde partie du DIP traite de l’évaluation de la sécurité du produit :
- les conclusions de l’évaluation ;
- les éventuels avertissements et instructions d’utilisation mentionnés sur l’étiquette ;
- les références de la personne en charge de l’évaluation.
Toutes ces obligations sont susceptibles d’être contrôlées par un inspecteur de la direction générale de la concurrence et de la répression des fraudes (DGCCRF). L’entreprise s’expose à de lourdes sanctions en cas de manquement.
Les labels qualité dans la savonnerie
Certains fabricants revendiquent la production d’un savon « naturel », « écologique » ou « biologique ». Mais encore faut-il le prouver ! À cette fin, plusieurs labels qualité et certifications existent avec des critères précis de contrôle. En voici les principaux.
Les labels écologiques génériques

La marque NF-Environnement est un écolabel français délivré par un organisme indépendant. La certification consiste à vérifier que chaque étape de la vie d’un produit se déroule conformément à un cahier des charges précis en matière environnementale.

L’Ecolabel est la certification écologique officielle européenne des produits ayant un impact minimum sur l’environnement. Le label prend en compte des critères environnementaux et des critères de performance : l’efficacité du produit labellisé doit être au moins aussi bonne qu’un produit classique. Ces critères écologiques concernent chaque étape de la vie du produit, de sa production à son élimination.

Nature et Progrès est une association qui rassemble des consommateurs et des professionnels. Elle garantit des produits alimentaires et cosmétiques « respectueux de l’environnement, des hommes et des animaux ». Elle s’appuie sur ses propres cahiers des charges et l’engagement de ses adhérents au travers d’une charte. Le label concernent les produits alimentaires, cosmétiques et produits d’entretien biologiques.
Les labels écologiques génériques
La démarche d’Ecocert est globale : elle promeut l’utilisation de ressources naturelles, la valorisation et l’utilisation d’ingrédients issus de l’agriculture biologique, le respect de l’environnement et la réduction des emballages.

Premier référentiel sur le marché de l’hygiène, il impose l’utilisation d’ingrédients issus de ressources renouvelables et transformés par des procédés respectueux de l’environnement.
Il vérifie l’absence d’OGM, parabens, parfums et colorants de synthèse notamment.
Le référentiel garantit les éléments suivants :
- 95 % du total des ingrédients sont d’origine naturelle ;
- 95 % des ingrédients végétaux sont certifiés bio ;
- 10 % du total des ingrédients sont issus de l’agriculture biologique.

Le référentiel Cosmébio garantit les mêmes taux d’utilisation de produits naturels et bio que le label Ecocert. Il autorise une quantité minime de produits de synthèse qui ne sont pas encore disponibles sous forme naturelle actuellement. Il s’assure aussi que les procédés de fabrication sont les moins polluants possibles et que les emballages sont biodégradables ou recyclables.

NaTrue est une association internationale à but non lucratif. Elle propose un label harmonisé pour la cosmétique naturelle. Le label est délivré aux produits dont les formules répondent à des critères assez similaires à celles d’Ecocert. Trois niveaux de certification peuvent être obtenus :
- Les cosmétiques naturels : les produits doivent respecter les teneurs minimales en substances naturelles et maximales en substances transformées d’origine naturelle. Les produits des deux autres niveaux doivent répondre à ces critères de premier niveau.
- Les cosmétiques naturels en partie bio : ce niveau exige, en plus des exigences générales, qu’au moins 70 % des ingrédients naturels proviennent d’une production biologique contrôlée et/ou de cueillette sauvage contrôlée.
- Les cosmétiques biologiques : au moins 95 % d’ingrédients naturels doivent être issus de culture biologique contrôlée et/ou de cueillette sauvage contrôlée.
Cet article a été rédigé par Mickaël Le Bour.
Bonjour et merci pour cet article très intéressant.
Petite question : quelles sont les réglementations en ce qui concerne la zone de cure doit-elle être dans une pièce séparée ? ou peut t on l’intégrer dans l ‘espace de fabrication ( à condition de notifier l’espace).
Merci de votre réponse.
Eva
Bonjour Eva,
La zone de cure peut tout à fait se trouver dans votre laboratoire de fabrication à condition effectivement qu’elle soit bien identifiée (tout comme les autres zones).
Lors de la conception de votre laboratoire, il faut faire attention à bien distinguer vos zones et à les placer de manière à éviter toute contamination.
Je vous souhaite une excellente journée,
Caroline.